Je ne pense pas qu’on ait jamais parlé d’Immortal sur Jack 3.5mm. C’est bien dommage : entre une imagerie grandiloquente et un savoir-faire reconnu, Immortal est vraiment un des piliers du black métal, et ce depuis plus de 30 ans.
Bergen, le berceau sacré
Petit cours d’histoire des musiques extrêmes : le début des années 90, à Bergen (Norvège), a vu pas mal de groupes fondateurs de la scène black métal. C’est effectivement dans cette ville norvégienne que sont apparus Mayhem, Burzum, Gorgoroth, Ulver et Immortal pour ne citer qu’eux. Bergen est une petite ville, c’est vraiment un petit creuset qui s’est formé à ce moment là (si on met de côté les histoires scabreuses de l’époque – meurtre d’Euronymous de Mayhem et l’évolution douteuse de Varg Vikkernes).
C’est important de préciser ce contexte, parce que sans ça, il n’est pas sûr qu’Immortal aurait existé. C’est suite à une rencontre avec futur feu Euronymous qu’Abbath et Demonaz, suite à la dissolution de leur ancien groupe, se mettent au black métal. C’est la naissance d’Immortal. Le succès critique vient rapidement, et, par la suite, l’histoire du groupe est vraiment en dents de scie, entre rupture, reprise, changements de line-up, jusqu’au départ d’Abbath, membre emblématique, en 2016.
Sons of Northern Darkness
Pourquoi parler de cet album en particulier ? Parce que c’est probablement le plus emblématique du groupe. Sorti juste avant leur séparation de 2003, avec un line-up que l’on peut résumer clairement à Abbath (guitare, chant). C’est d’ailleurs lui qui a composé l’album et enregistré la guitare / basse (à part sur le premier titre) et le chant.
Dès le premier morceau, One by One, la couleur est annoncée : blast, accords dissonants. Bon, c’est assez normal quand on parle de black métal. On peut penser directement à Emperor, In The Nightside Eclipse, mais ce serait résumer un peu trop rapidement Immortal. Là où Emperor a un côté mélodique assez assumé (plages de synthé, etc), Immortal ne s’embarrasse pas de ce genre d’artifices : on reste sur du guitare / basse / batterie / chant, peu d’arrangements, on va à l’essentiel, un peu plus brut quoi.
Niveau compo et inspiration également, en fait, Immortal jongle entre des riffs et rythmiques très marquées black métal, mais arrive à les combiner avec des passages beaucoup plus thrash. Ça donne des morceaux beaucoup plus énergiques et c’est par là qu’Immortal se démarque de la concurrence. Il faut pas oublier que dans les années 90 / début 2000, celle-ci est assez rude, et même si le succès critique est souvent du côté des groupes norvégiens, le succès commercial est plutôt du côté de groupes comme Cradle of Filth ou Children of Bodom.
Encore aujourd’hui, cet album est considéré comme une des références du black métal. 8 morceaux, rien à jeter. Un album charnière si on peut dire : que serait Behemoth, pour ne citer qu’eux, sans cet album ? Plus généralement, on retrouve des sonorités qui sont encore exploités aujourd’hui par les groupes actuels, et les références à Immortal sont légion.
Le truc le plus amusant dans l’histoire, c’est que je me demande toujours si c’est bien un groupe de black métal “sérieux”. Ce que je veux dire par là, c’est que déjà, quand on le voit en interview ou en concert, Abbath est un type qui a l’air assez drôle, naturellement. Par dessus le marché, cette attitude assez détachée vient bien en décalage avec un maquillage que l’on pourrait qualifier “d’un des plus méchant” de la scène. Pour moi, tant mieux, ça ne rend le groupe que plus intéressant et ça n’enlève rien à leur musique.